Arthropodia - Prologue

L’or… Un fleuve d’or… Un torrent doré s’écoule et illumine l’immensité noire qui nous entoure… Orange… Orange comme une rivière… Une rivière du crépuscule cherchant à se mêler à cet océan d’or…  Ocre… Une terre ocre… sur laquelle glisse l’onde lumineuse comme le soleil à son zénith ! Sable ! Une poussière de sable brun que le vent de l’azur transporte avant de s’engouffrer avec celle-ci dans ce gigantesque bouillon arc-en-ciel. Violette… Une fleur violette s’envolant parmi les feuilles vertes dans le bleu obscur d’une nuit de pleine lune. Elles tournent… dansent entre elles et soudain….. tombent… flottent… puis s’agitent à nouveau avant de disparaître dans ce chaos aquatique qui peu à peu s’illumine. Les couleurs se mêlent alors pour ne plus former qu’une masse de lumière blanche, flottant sereinement dans un univers sombre et froid. L’informe entité de lumière commence alors à tourner sur elle-même. Elle semble dessiner une forme… une forme cyclonique… une sorte de galaxie en suspension, dont la lente rotation semble harmonieuse. Un équilibre commence à se former au sein de l’amas lumineux dont la révolution se fait de plus en plus rassurante… comme si les différentes masses de couleurs, s’entrechoquant dans un combat commun avaient fini par se mélanger, se confondre, fusionner pour ne devenir qu’une seule et même masse paisible et fluide. Cette lumière qui m’enveloppe… je sens sa chaleur qui m’apaise… je voudrais la toucher, la palper, la sentir au bout de mes doigts. J’ai envie de lever mes bras vers cette lueur si envoûtante. Je lève mes mains… mes mains… mes mains… mes mains !!! Elles… Elles saignent ?! Pourquoi ?!  Non, ce n’est pas mon sang !!! Celui-là est rouge ! De qui vient-il ? Il s’écoule ! Il s’écoule vers la galaxie ! Il va pénétrer dans la masse blanche ! Il s’infiltre, essaie de se mélanger…mais il ne le peut ! L’équilibre est déjà établi. Il ne peut s’y mêler ! Il va le parasiter, le bouleverser ! L’entité commence à se morceler ! La lueur faiblit ! Tel un buvard le sang l’absorbe, rougit peu à peu chaque parcelle de la galaxie qui se fissure de part en part ! L’obscurité de l’univers qui l’entoure s’engouffre petit à petit dans chaque brèche ! Les fragments lumineux rapetissent, faiblissent ! Ils vont s’éteindre ! La chaleur disparaît, un vent froid semble se lever ! L’angoisse me gagne ! J’ai peur ! J’ai froid ! Je ne peux rien faire ! J’essaie de retenir ce maudit sang qui semble s’échapper de mes mains alors qu’il ne m’appartient pas ! A qui appartient-il ? Il coule toujours et je ne peux rien faire ! Aidez-moi ! Quelqu’un ! Que quelqu’un m’aide à arrêter ça !!! Que… je sens quelque chose couler sur mon visage ! Cela semble chaud ! Comme la galaxie qui bientôt ne sera plus ! Qu’est-ce donc ! Cela coule le long de ma joue ! Elle va tomber. Je la rattrape dans sa chute et la contemple alors. C’est… une larme ? Une larme blanche ! Lisse et brillante comme une petite perle. Je distingue en elle les noirs reflets de l’univers se mêlant à sa blanche lueur. Je la contemple, j’en oublie le sang qui continue de couler ! Et soudain, je la lâche, surprise par deux éclats rougeoyants qui ont étincelé de la perle. Elle chute de nouveau ! Elle va tomber dans la coulure de sang, se noyer dans le rubis de cette rivière infernale ! La pauvre larme va subir le même sort que la spirale de lumière et je la regarde plonger dans le fil écarlate… Voilà. C’est fini. Tout est fini. Rien ne sera plus hormis ce sang qui…ce sang qui… mais… le sang ! Il… il commence à blanchir… à l’endroit même où la perle est allée mourir… Un halo étincelant se forme. Il se mue en un fil de lumière qui remonte le ruisseau sanguin. Il s’infiltre dans chaque ramification, se sépare, se divise pour remonter tous les canaux rougeâtres ! Il colore ce flot de sang qui peu à peu se métamorphose en fleuve d’argent. Le flot gagne maintenant les débris de la galaxie qui n’ont pas encore été absorbés ! Ils grandissent, s’étendent, commencent à grignoter la sombre atmosphère dans laquelle j’étais plongée. Peu à peu la lumière prend le dessus sur l’ombre. L’entité menaçante est devenue l’entité menacée. Elle va bientôt disparaître et son souffle glacial avec ! Les rares tâches noires qui subsistent encore s’estompent peu à peu et bientôt ne reste de ce chaos qu’un néant blanc, chaud et apaisant. Un vide radieux m’entoure mais je ne me sens pas angoissée. Je me sens… rassurée. Comme par la présence de quelqu’un ou de quelque chose. Je regarde autour de moi. Les traces de sang semblent avoir également disparu. Et mes mains ? Saignent-elles encore ? Je baisse la tête pour les regarder. Mais ! Qu’est-ce donc ? Une lueur se tient devant moi, flottant par je ne sais quel moyen entre mes mains. Une petite chose ronde d’où émane cette lueur commence à se dessiner. Je peux alors en distinguer les détails. On dirait… une graine ? Une graine aux reflets dorés. Un germe scintillant, fruit des combats qui ont ébranlé cet espace où je flotte… Je ne comprends pas… Je ne comprends pas… Si je ne peux comprendre du moins puis-je entendre quelque chose ! Un son. Mais un son familier, qui se répète. Comme une voix qui serait en train de me crier…