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Un Nom, Une Vie - Partie 1

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Fruit-Sauvage's avatar
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La nuit était tombée sur le paisible village. Tout était calme. Nyx, le dieu nocturne avait drapé le ciel de ses ailes étoilées, chassant les nuages pour laisser à sa fille, Leucelia la lune blanche, le soin d’illuminer de sa clarté céleste la région. Malgré la douce chaleur annonciatrice de l’arrivée de la saison chaude, tous avaient regagné leurs habitations. Il faut dire que la position du hameau, proche de la frontière séparant le Royaume Vespa au Royaume Furlien, avait rendu ses habitants méfiants et peu enclins aux sorties nocturnes. Bien que la garde royale Vespa sillonne régulièrement les environs, quelques attaques de la part des frelons couleur sang avaient été recensées dans les environs. Toutefois, aucune perte n’avait été déplorée depuis de nombreux cycles. Notamment depuis que le Royaume Vespa avait fait serment d’allégeance à la toute puissante Couronne Impériale, régente suprême de la quasi-totalité des royaumes arthropodiens. Vespas, Apiens, Dytiques et bien d’autres colonies s’étaient rangées aux côtés de la jeune impératrice Hesperys.

Seule la colonie Furlienne manquait encore à l’appel, bien que depuis quelques cycles, de grands changements politiques semblaient s’opérer au sein même de ce royaume souvent sujet aux guerres civiles et aux coups d’état. La jeune reine Hursla VII, héritière de la redoutable Dilakera V morte depuis peu, nourrissait des desseins bien plus pacifistes et totalement opposés à ceux de sa génitrice. Ainsi avait-elle donc entamé un processus d’ouverture des frontières aux colonies voisines, afin de favoriser les échanges commerciaux et développer l’économie de son état, malheureusement faible en ressources. Une initiative qui ne plaisait pas à tous les sujets, peu désireux de voir des étrangers souiller de leurs pieds leur sol natal. On murmurait d’ailleurs que certains radicaux s’étaient regroupés en un mouvement révolutionnaire qui envoyait régulièrement des troupes pour attaquer ou provoquer les troupes frontalières des royaumes voisins. Sans doute espéraient-ils discréditer leur reine aux yeux des autres dirigeants et faire ainsi échouer les accords de libre-échange qu’elle tentait de mettre en place.

De tout cela, les habitants du petit village s’en moquaient. Leur position géographique pourrait, bien évidemment, les pousser à suivre les évolutions de la politique extérieure des colonies rivales. Ils avaient, cependant, préféré se concentrer sur des soucis de moins grande envergure mais de plus grande importance à leurs yeux, comme les récoltes, le rassemblement des provisions, les fêtes locales… ou une naissance.

C’était précisément ce qui venait de se dérouler dans l’une des habitations. L’aide à la ponte avait accouru après avoir été prévenue des premières contractions de la mère. Deux amies proches de cette dernière étaient d’ailleurs venues afin que l’opération se passe au mieux. Ce ne fut pas un luxe et le travail parut interminable pour tous… mais au final, il était là. Blotti dans les bras de celle qui l’avait enfanté, et dont les soigneuses essuyaient la sueur, le nouveau-né dormait sous le regard de ses parents, émus et comblés. Le père, contenant à grande peine ses larmes, embrassa sa compagne épuisée mais soulagée. La vue de la petite larve, en parfaite santé et chaudement enveloppée dans ses langes toutes chaudes, récompensait les efforts qu’elle avait dû fournir pour la mettre au monde… et mettait également fin au calvaire et à l’attente désespérée qu’elle avait dû endurer avec son compagnon avant que les dieux ne leur accorde enfin ce merveilleux cadeau.

Depuis des cycles ils aspiraient à perpétuer leur lignée, malheureusement sans succès. Ils avaient tout tenté, consulté médecin sur médecin, prêtre sur prêtre, guérisseur sur guérisseur…  en vain. Bien que déclarés féconds, ils en étaient venus à se demander s’ils n’avaient pas été frappés par quelque malédiction. Maintes et maintes fois, ils étaient partis en pèlerinage jusqu’à la capitale du royaume, la Grande Cité Vespa. Là-bas, ils s’étaient rendus auprès des plus éminents spécialistes, sacrifiant les économies de plusieurs cycles. Mais l’argent importait peu. Ils n’en avaient que faire. Rien n’avait de goût pour eux en ce temps-là. Aucune dépense, aucune distraction n’aurait pu compenser leur détresse. C’était pour eux la meilleure manière d’utiliser le peu de fortune qu’ils avaient pu amasser. Cette dernière n’avait malheureusement pas payé non plus.

Ayant compris que les moyens des mortels ne pourraient accéder à leur requête, ils avaient alors décidé de s’adresser aux dieux. Ils se tournèrent d’abord vers Vespulos, le père fondateur de la race Vespa. N’avait-il pas prouvé son talent de créateur en façonnant avec de la terre la première reine Vespa, avec laquelle il engendra ses premiers sujets ? En tant que divinité vénérée par ses descendants, pouvait-il ignorer la détresse de ses enfants ? Ne pouvait-il pas, juste une fois, accorder à deux de ses fidèles ce pouvoir de filiation dont le jeune couple semblait, depuis toujours, être exempt ?

Ainsi les deux malheureux hyménoptères s’étaient-ils rendus de nouveaux à la grande capitale, jusqu’au temple du géniteur de tous les Vespas, pour honorer ce dernier, par moult offrandes. Du bijou le plus fin aux plus beaux épis céréaliers, ils avaient déposé sur l’autel sacré ce qu’il pouvait offrir de meilleur, afin de s’attirer au maximum les faveurs de la guêpe originelle. Puis ils attendirent que le miracle se produise. Les albes se succédèrent, puis les saisons… Les offrandes furent renouvelées, puis l’attente reprit… jusqu’à ce que le désespoir et la résignation les gagnent et leur fassent accepter l’évidence : le divin ancêtre les avait négligés.

Le chagrin et la douleur s’installèrent de nouveau dans la famille. Si même celui dont ils étaient issus n’avait daigné répondre à leur appel, qui donc le ferait ? Étaient-ils condamnés à dépérir dans la solitude jusqu’à l’extinction de leur lignée ? Etait-ce là l’amère destinée qui se promettait à eux ? Les dieux avaient-ils décidé, pour d’obscures raisons ou par quelque jeu cruel, de ne jamais les laisser enfanter ? Comment ces êtres censés incarner toutes les vertus, forces et sagesse pouvaient se délecter du malheur de ceux qui les adulaient ?

C’est alors qu’ils se souvinrent de l’un d’eux. Et pas n’importe lequel. Une divinité réputée tant pour son amour de la vie que pour sa grande compassion. Le premier Arthropodien reconnu comme l’origine de tous les mortels sur cette terre…

Il était un dieu pionnier. Un de ceux que les régents cosmiques avaient envoyés sur Arthropodia afin d’y insuffler la nature et la vie sous toutes formes. Il avait été chargé de créer les premier Arthropodiens, à l’image des divinités, afin que ces dernières puissent leur confier certaines tâches. Depuis la nuit des temps, les mortels lui attribuaient la conception de la majeure partie d’entre eux, dont les Muscas, Coleos, Aracks, Scorpiens, Mantis, Formicas et, selon certains, les Lepidiens ou Empereurs. Il était également connu pour être le père des dieux fondateurs des colonies Furlienne, Apienne et Vespa… et donc le père de Vespulos. Son pouvoir de création était de ce fait reconnu comme le plus grand. Mais surtout, le pionnier avait gagné le respect de ses œuvres lors d’un événement tragique qui lui avait valu le nom sous lequel il était vénéré depuis. Son nom signifiait en effet « celui qui n’a que deux ailes »…

Ce titre, il l’avait acquis à ses dépens, suite à l’affront qu’il fit à Origo, le roi des dieux, créateur de l’univers et origine de toutes choses. Ce dernier avait alors l’habitude de régir les grandes lignes du destin sans forcément tenir compte de l’avis de ses sujets et pairs. Et le sort des Arthropodiens ne faisait guère exception. Lassé de voir le suprême despote décider du devenir des mortels sans la concertation de celui qui les avait engendrés, le divin pionnier voulut solliciter un entretien avec le monarque du Panthéon Cosmique. Celui-ci refusa, arguant qu’un dieu Arthropodien devait rester à sa place, auprès des mortels et ne pouvait s’inviter dans la demeure des premiers dieux sans son accord. Piqué au vif, le créateur des mortels déploya les deux paires d’ailes qu’il avait alors et s’envola vers les étoiles pour aller rejoindre le palais stellaire. Furieux, le maître du cosmos ordonna à son fils Luman, le dieu-soleil, de foudroyer l’insolent. À contrecœur, le géant flamboyant envoya un rayon de lumière sur l’intrus. Mais Alba, déesse du jour et de l’aube et soucieuse du sort du dieu mineur, tenta de sauver ce dernier. Elle parvint d’un battement d’aile à dévier le mortel rayon de son frère astral. Malheureusement une gerbe frappa les petites ailes du créateur des mortels qui alla s’écraser sur la terre de ces derniers, hurlant sous la douleur alors que les flammes dévoraient ses membranes. Alba parvint à souffler le feu mais ne put totalement guérir la blessure de celui qui allait devoir expier sa faute en séjournant éternellement parmi ceux qu’il avait engendrés. Avec une paire d’ailes en moins, le malheureux ne pouvait voler suffisamment longtemps pour échapper à l’attraction de la planète qui l’avait vu naître. Sans compter la douleur de la brûlure éternelle que ravivaient les battements de ses deux ailes restantes. Le dieu désormais estropié avait perdu sa liberté… mais avait gagné en retour la compassion et le respect de nombreuses divinités ainsi que des mortels pour lesquels il avait osé tenir tête au tout-puissant… et par le sacrifice que lui avait coûté son acte courageux.  

Un tel dieu, capable de s’investir autant pour ses créatures, et prêt à transgresser les lois divines pour ces dernières, ne saurait rester sourd à leurs prières. Ainsi le jeune couple décida, avec le peu de ressources dont ils disposaient, d’un dernier voyage vers le temple de la capitale dédié à l’impétueux immortel. Si cette ultime tentative échouait, nul autre recours ne serait possible et ils devraient alors se résigner à leur sort. C’est pourquoi ils s’étaient efforcés à prendre le temps nécessaire à la bonne organisation du pèlerinage, choisissant les meilleures offrandes possibles, répétant inlassablement les prières appropriées, consultant les prêtres les plus dévoués à la divinité. Jusqu’à ce qu’enfin, le périple soit accompli… et que le miracle tant attendu se produise enfin.

Tout cela était bien loin désormais. Envolées les longues périodes d’amertume, conséquences d’échecs répétés. Envolées les saisons de souffrance et de doute. De tout cela, les nouveaux parents en avaient fait le deuil. Seul comptait pour eux de savourer cet instant béni avec leur enfant tant attendu, de l’avenir qu’ils allaient pouvoir bâtir ensemble, de cette nouvelle vie qui allait enfin commencer.

Mais avant toute chose, il importait de lui trouver un nom.
Et non, je ne suis pas mort, encore moins inactif ;) ! Simplement je nourris quelques projets, dont certains assez longs et ces derniers me prennent un peu de temps. Mais je me suis juré d'aller jusqu'au bout et avec celui-ci c'est chose faite ^^.

Voici donc une histoire courte. Elle n'est peut-être pas aussi étoffée que ce que j'ai pu écrire par le passé, mais elle a le mérite de situer le contexte de mon univers et de dévoiler certaines choses X).

Je ne suis pas totalement satisfait du titre mais je n'ai rien trouvé de mieux pour le moment. En attendant le contraire, j'espère quand même que ceux qui liront ce opus passeront un bon moment ^^.

Bonne lecture à tous.

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ReijiNoHana's avatar
Nuuuh, Hurslaaaa T___T

La petite histoire du couple est touchante évè Leur parcours acharné est admirablement décrit, ils sont désespérés mais ils s'accrochent quand même !
Et puis je suis toujours aussi admirative envers ton univers si bien développé, tu évolues entre tes races, tes dieux et leurs organisations propres avec une aisance d'omniscient-

Je lirais la suite prochainement o/